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Des batobus, pas un « Canada Dry »

L’association Citoyen 13 a dédié aux batobus sa rencontre-débat organisée ce mercredi 17 septembre au théâtre Mazenod à Marseille dans le cadre de la Semaine européenne de la mobilité. L’occasion de rappeler son attachement à cette initiative née d’une mobilisation et d’un combat politique de près d’une décennie. Et de dénoncer les velléités du président de la communauté urbaine Marseille Provence Métropole (MPM), Guy Teissier (UMP), qui viseraient à « dévoyer » ce « service public de continuité territoriale » sur l’autel de la rentabilité.

Marie-Françoise Palloix, Christian Roux et Christian Pellicani appellent à la mobilisation pour conserver les batobus si chèrement acquis.
Marie-Françoise Palloix, Christian Roux et Christian Pellicani appellent à la mobilisation pour conserver les batobus si chèrement acquis.

Les navettes maritimes : c’est à ce thème que l’association Citoyen 13 avait choisi de consacrer sa traditionnelle rencontre-débat organisée dans le cadre de la Semaine européenne de la Mobilité, ce mercredi 17 septembre au théâtre Mazenod à Marseille. « On ne va pas se laisser voler ce qu’on a obtenu », tranche d’emblée le président de l’association Christian Pellicani. Et ce qui est aussi élu du Front de gauche, conseiller d’arrondissements du premier secteur de Marseille, tient à rappeler que contrairement à l’idée véhiculée aujourd’hui dans les médias, « les batobus ne sont pas le projet de l’actuel président de la communauté urbaine Marseille Provence Métropole (MPM) Guy Teissier (UMP) ». Car s’ils se sont révélés un succès que chacun tente désormais de s’accaparer, leur mise en place en 2012 n’a tenu qu’à la ténacité du groupe des élus communistes et partenaires, « unanime sur le sujet », le seul à avoir défendu leur pertinence dans l’hémicycle communautaire. « Cela fait plus de 10 ans que je me bats pour les batobus. On a eu mauvaise presse. On a dû faire des expérimentations pour prouver que les temps de parcours étaient réalistes. Personne n’y croyait… tellement que l’inauguration n’a pas eu lieu le jour même du lancement de l’expérimentation », se souvient Christian Pellicani.
 
Un combat dont Marie-Françoise Palloix, seule conseillère d’arrondissements du Front de gauche réélue au printemps dans les quartiers Sud (6e et 8e arrondissements) de Marseille, a été l’une des figures de proue. « On nous a pris pour des illuminés. Le jour du vote solennel pour mettre en place une expérimentation du Vieux Port à la Pointe Rouge, beaucoup de voix de droite étaient contre, même le président de la communauté urbaine (NDLR : le socialiste Eugène Caselli) n’y croyait pas », se remémore celle qui est élue depuis 13 ans dans les quartiers Sud. Et de témoigner de l’« esprit de revanche » qui l’avait alors submergée « car on avait raison. Tellement que l’année suivante, une navette était mise en place jusqu’à l’Estaque. »

« Il veut faire quelque chose pour les touristes »

Or, même s’ils ont aujourd’hui bonne presse, ces deux pionniers estiment que les batobus n’en sont pas moins en danger depuis que le nouveau président de MPM, Guy Teissier, a pointé dans l’une de ses premières déclarations qu’ils étaient « trop chers ». Marie-Françoise Palloix ne manque pas de répliquer qu’il s’agit à ses yeux d’« un service public » où, par essence, « il n’y a pas de rentabilité ». Christian Pellicani estime même que « cela frise le ridicule quand on voit de que coûte un kilomètre de tramway : ce n’est pas la même échelle ». Et d’enfoncer le clou en martelant qu’aucun transport public n’est rentable. « Même Ryanair ne peut pratiquer ses bas coûts que parce qu’on ne leur fait pas payer les infrastructures. Quant au « miracle » Véolia, il n’y parvient que parce qu’il fait payer aux citoyens les charges et les bénéfices. Et il justifie que le service est plus cher en arguant que c’est plus fiable car c’est le privé, ce qui est faux. »

Une première mobilisation a amené la chargée de mission du président de MPM à recevoir l’association Citoyen 13. Depuis, Guy Teissier a nuancé son propos dans une lettre adressé au président de l’association. « Sur les interrogations que vous soulevez quant à ce service géré par la communauté urbaine Marseille Provence Métropole que je préside, sachez qu’il n’a jamais été question de le supprimer, étant moi-même un fervent défenseur de notre littoral de manière générale, et du domaine des Calanques en particulier », précise-t-il au préalable. Avant cependant d’ajouter : « Toutefois, la nécessaire maîtrise des deniers publics me conduit aujourd’hui à m’interroger sur les modalités de gestion. » Alors, même s’il assure que « les décisions qui seront prises viseront non seulement à pérenniser ce service d’intérêt général, mais également à l’améliorer », ni ces propos, ni les orientations dévoilées par le président de MPM ne sont de nature à rassurer les défenseurs des batobus. Car aux yeux de Marie-Françoise Palloix, « il garde le terme mais il dévoie les batobus ». « Il veut supprimer les dessertes du matin et du soir, réduire le service de mai à septembre, augmenter la tarification à l’unité de 3,10 € à 5 € et prolonger la desserte jusqu’aux Goudes alors que la traversée de 40 minutes est déjà trop longue pour certaines personnes qui doivent aller travailler. Ce que l’on nous propose, c’est du « Canada Dry ». Il ne suffit pas de garder le terme batobus, il faut voir le contenu. Et là il veut faire quelque chose pour les touristes », dénonce-t-elle. Et l’élue des quartiers Sud de rappeler quel est au contraire l’esprit dans lequel s’inscrivent les architectes du projet. « Nous voulons que ce soit la continuité de la RTM, qu’on ne parle pas de rentabilité car c’est un service public, qu’il y ait un tarif plus bas afin qu’il ne soit pas prohibitif, que les abonnés soient prioritaires à l’embarquement et qu’on puisse avoir des horaires adaptés pour les travailleurs, lycéens et étudiants qui représentent 30% du million de passages enregistrés depuis 3 ans », énumère-t-elle.

« La solution, c’est le versement transport »

Pour Christian Pellicani, « la solution, c’est le versement transport », la taxe à laquelle sont assujetties les entreprises de plus de 9 salariés. « Il faut que l’on demande à l’Etat de fixer par décret le niveau du versement transport à 2,7%  comme en région parisienne. Ainsi, on ne règlera pas le problème des batobus mais celui des transports à Marseille. Seulement, il faut le faire payer maintenant, pas dans 10 ans », argumente-t-il. Et de replacer le débat dans la perspective de la future métropole à laquelle il est pourtant personnellement opposé. « Marseille est une ville pauvre. On s’est mis à 18 communes mais la communauté urbaine est pauvre. Or, si on ne change pas la règle d’imposition, si on ne fait pas payer ceux qui en ont les moyens, demain, on sera une métropole pauvre », insiste-t-il.

Marie-Françoise Palloix rappelle en outre que les élus de la droite marseillaise « sont pris dans un double étau ». Tout d’abord, car ce dossier est « sous le coup d’un Plan de Déplacement Urbain (PDU) ». « Lors de son deuxième vote (NDLR : sous la présidence d’Eugène Caselli), on a tout axé sur le transport collectif. Et on a un peu embrouillé les pinceaux pour que le tramway soit sous le giron de la RTM, pas de Véolia. Et alors que le 1er batobus, c’était Véolia, le président de la communauté urbaine (NDLR : Eugène Caselli) a intégré les batobus dans la RTM. C’est un atout car désormais, comment expliquer que la RTM est une régie si dedans, on y met n’importe quoi, même du privé ? », analyse-t-elle. D’autre part, dans le 4e secteur où Jean-Claude Gaudin a été élu dès le premier tour au printemps dernier, même s’il a recueilli 2.000 voix de moins qu’en 2008, les élus de la majorité municipale « se prennent des bides à toutes les assemblées des CIQ sur la question des batobus ». « Donc il faut accentuer la pression car on veut les garder », insiste Marie-Françoise Palloix.

Alors l’heure est aujourd’hui à la remobilisation d’autant qu’« on a tout l’hiver pour construire la desserte du printemps », comme le souligne Christian Pellicani. « Il faut aider à porter la question du versement transport et organiser des réunions dans les quartiers. Il faut aussi accentuer notre communication sur le sujet », martèle-t-il.

Serge Payrau

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